PM7-Isis

 

Isoré peut n’être représenté que par un gros caillou. Un rondin. C’est l’imaginaire qui le personnifie. Il dévore. Digère. Transforme.

 

Si son initiation est plutôt «rustre»,

celle d’Isis est tout en raffinement. Il suffit… mais il faut le vouloir … d’écarter son voile …

Les grands mythes ne s’effacent jamais. Nous l’avons dit. Nous l’avons vu. Les plus importants, les plus anciens traversent les contrées, les civilisations, le temps. Changent de nom, c’est la difficulté qu’ils nous créent.

Il est temps de lever le voile Jean le Maire de Belges, historiographe, fait le portrait d’Isis tel qu’il l’a vu à l’époque où règne Louis XII : «Je m’enquis d’un ancien religieux d’icelle s’il savait quelle était sa figure ; et il m’apprit […] qu’elle était comme d’une grande femme hâve, déchevelée et qui avait la moitié du corps couvert d’un rézeau par-dessus ; d’où souvente fois j’ai pris sujet de me remettre en mémoire ce qu’écrit Plutarque au Traité d’Isis et d’Osiris, qu’en la ville égyptienne de Saïs, l’image de Pallas, laquelle ils estiment être cette même déesse, avait une telle inscription l «Je suis tout ce qui ha esté, qui est et qui n’y a encore homme mortel qui m’ait découverte de mon voile». Extrait de : Paris et ses mythes d’hier à aujourd’hui – chap.11. qui occulte - ou mystifie - le personnage mythique le plus important de Paris.

La déesse fondatrice. Isis, la Grande Mère
Isis et son fils Horus. Isis porte sur la tête un croissant de lune (en forme de barque) sur lequel est posé le soleil. Musée du Louvre.
portant son fils Horus. Figure universelle de la Mère dont le culte aurait été apporté par les navigateurs phéniciens et dont les noms et attributs diffèrent selon le lieu. Isis porte sur la tête des cornes de vache enserrant un disque. Cornes qui évoquent aussi être un croissant de lune portant le soleil. Ou encore une barque. Tous attributs qui la concernent.

Isis, à l’histoire familiale rocambolesque ! Qui tient de la magie. Raison pour laquelle les druides la vénèrent dans le plus grand secret. Secret que symbolise son voile ! Il est ce qui sépare. Le porter, c’est cacher la connaissance. Le retirer, c’est la révéler. Révéler la Lumière. Accéder à l’immortalité.

 

 

 

A l’instar de la Stella Maris contemporaine, les Nautes invoquent sa protection. Peut-être en référence à son errance fructueuse en barque sur le Nil en quête des morceaux du corps d’Osiris, son époux. Elle les retrouve tous. Reconstitue l’homme. Leur union conçoit un fils. Horus.

 

Isis peut tout !

 

De plus … la Seine est fougueuse. Dangereuse. Aussi les bateliers la représentent-ils sur une embarcation dont Paris exhibe toujours fièrement l’emblème. Selon les époques, elle est en proue ou non et la devise «Fluctuat nec mergitur» protège déjà du naufrage ! La symbolique veut aussi que la barque soit celle qui conduit l’initié dans le secret des temples égyptiens et dont les sociétés secrètes font bon usage.

 

 

Les temples d’Isis ? En Egypte, ils sont appelés Per ou Par – «enclos qui entourent la maison». Ces lieux de culte seraient donc plutôt des Maisons d’Isis. Et le nom de Paris pourrait bien être tout simplement Par-Isis ! Deux temples anciens sont attestés. Cependant les noms actuels d’Issy, Issy-Plaine, Issy-les-Moulineaux témoignent peut-être d’autres lieux de culte plus éloignés que les deux principaux qui nous sont connus.

Le premier temple identifié est sur l’ile Sainte. Sur ses vestiges est construite l’église Notre-Dame qui, au 12è s., ose représenterla déesse sous les traits d’une femme portant la thyrse
La thyrse est un bâton entouré de feuilles de lierre et de vigne et surmonté d’une pomme de pin. Ce bâton porté par les Bacchantes était l’attribut de Bacchus. Le personnage évoquant la Vierge se superpose à Isis.
La Vierge Marie fait bon ménage avec la mythique protectrice païenne de la vallée du Nil !
Et de la Seine.

Le second est isolé.

Dans la campagne celto-gallo-romaine qu’investissent, au 6è s., l’abbaye et l’église Saint Germain-des-Prés.
L’église de Saint-Germain-des-Prés est une ancienne abbaye bénédictine fondée au milieu du VIe siècle par le roi mérovingien Childebert Ier et l'évêque de Paris, Saint Germain. Construite sur les ruines d’un temple dédié à Isis. L'abbaye eut plusieurs noms connus sous le vocable de Saint-Vincent et de Sainte-Croix. Elle est située au cœur de Paris et du quartier latin, dans le 6è ar. Nécropole royale jusqu'à la création de la basilique Saint-Denis par Suger au début du 12è s. L'instauration de la réforme mauriste en 1630 fait de l'abbaye l’un des centres d’érudition majeur. La Révolution impose la suppression de la totalité des abbayes et celle de Saint-Germain-des-Prés s’éteint en 1792. L'église devient manufacture de salpêtre. Le culte n'y est rétabli que le 29 avril 1803.
Au 9è s., à l’arrivée destructrice des Normands sur leurs drakkars, le moine Abbon n’écrit-il pas qu’Isis est considérée comme la première protectrice des parisiens ? Plus forte que Sainte-Geneviève morte en 522 ? Curieux que la pompeuse cérémonie qui leur est dédiée, à l’une et à l’autre, ait lieu le même jour, 3 janvier ! Superposition évidente de leur fonction protectrice ?

Une grande statue de Madone noireIsis, magicienne, est la divinité du Salut par excellence. Toutes qualités que possèdent les Madones et Vierges noires. Et …les plus anciennes Vierges de la Chrétienté étaient toutes noires !, noire de fumées de cierges croit-on, est vénérée avec ferveur à Saint-Germain-des-Prés pendant des siècles … jusqu’à ce que, découvrant l’inconsciente «supercherie intellectuelle», un prêtre la détruise à coups de pioche.  Isis est toujours là. Elle veille du haut du  chapiteau, ci-contre, près de l'entrée de l'église.

 

Isis n’est pas seule.

Isis est intimement liée à sa famille. Hathor
Hathor est la fille de Nout et de Rê. Considérée comme la mère d’Horus, au tout début de la mythologie égyptienne. Plus tard, elle est remplacée par Isis. Cour carrée du Louvre.
, Osiris, Seth, Horus,
Thot

Thot - comme Mercure - est le dieu du voyage et des carrefours. Les fondations de son temple seraient aussi celles d’une église – Notre-Dame-des-Champs.

Le temps s’écoule.

Millénaires, siècles, décennies … mais que sont devenus, à Paris, Isis, Horus, Thot … et les autres ?

Disparus ? Oubliés ?

Certes pas!

Rien ne s’arrête jamais et c’est très bien.

Paris vit sur son passé auquel le présent s’adapte consciemment ou non.

Adepte de l’Etre Suprême, la Révolution expose Isis
A l’occasion de la Fête de l’Unité et de l’Indivisibilité - 10 août 1793 - la déesse Isis-Nature, symbole visible de l'Être suprême, est représentée sur une imposante «Fontaine d'Isis» spécialement édifiée sur les ruines de la Bastille pour cette cérémonie symbolique. Isis est assise sur un trône, accompagnée de deux lions, tandis que de l’eau régénératrice jaillit de ses seins. Musée Carnavalet / Roger-Viollet.
en majesté sur les ruines de la Bastille.

Sans qu’il soit fait précisément référence à cette déesse-mère, la «folie» égyptienne introduite par Napoléon est omniprésente dans la capitale. Tête de Sphinx de la Fontaine du Chatelet, mascarons ornant les porches, Obélisque de la Concorde … sans parler de la contemporaine Pyramide du Louvre.

Au 21è s. de nombreuses traces sont visibles, transmises par les initiés, du 19è s. Il revient à chacun d’en décrypter les symboles ! Hélas un digicode retient les curieux de pénétrer dans la cour du n° 15, rue du Cherche-Midi
Dans cet immeuble est né (1795) - et a vécu - Achille Chaper, ingénieur, homme politique et préfet de Paris. Le grand intérêt que Napoléon a développé pour l’Egypte n’est peut-être pas étranger à la présence insolite de ce sphinx à tête de femme suggérant Isis. Sa localisation peut y avoir attiré un culte isiaque.
, où trône un Sphinx verdâtre à tête de femme, sans doute lié à la présence ancienne d’un culte isiaque. Des groupes - secrets ou non – essaimés dans la capitale et au-delà - s’inspirent des pouvoirs magiques d’Isis pour alimenter les rituels d’une philosophie ésotérique.

Si l’on ne soulève pas le voile, on passe à côté de réalisations très intéressantes qui concernent la mère et son fils. Elles posent questions !

Que penser du tracé urbaniste haussmannien dessinant la Croix ansée sur la rive droite de la Seine - entre Le Louvre, l’Opéra Garnier et les Grands Boulevards ?

Que penser du tracé paysagiste du parc des Buttes-Chaumont imposant avec une précision insistante la tête de faucon d’Horus … y compris l'iris de son œil suggéré par un Belvédère. Belvédère, réplique du temple romain de Tivoli et dédié à Vesta, temple où la SibylleLa Sibylle communique avec le Divin et délivre ses messages à l’être humain telle une prophétesse. Elle est l’instrument direct de la révélation. Celui qui la reçoit est donc passif. A la différence d’Isis, elle transmet la connaissance sans qu’il soit nécessaire de vouloir soulever un voile pour y accéder de manière active. Un temple lui est dédié à côté de celui de Vesta à Tivoli, dans la campagne romaine. Vesta, gardienne du foyer s’apparente à Isis. prophétisait par divination … magique. Délibéré ? Inconscient ?

Que penser du tracé paysagiste du Parc de Vincennes ? Nous constatons qu'il repoduit là aussi le Temple de la Sibylle
Inspiré du Temple de la Sibylle (Tivoli), l’architecte paysagiste DAVIOUD (1860) en construit une réplique sur une grotte et une cascade artificielles. Ile de Reuilly sur le lac Daumesnil au Parc de Vincennes. 12è ar. Photo Wikipedia
sur l’Ile de Reuilly au milieu du lac Daumesnil ?
Certes l’Antiquité inspire les trois architectes initiés que sont Alphand, Belgrand et Davioud mais n’est-ce pas plutôt le courant initiatique venu d’Angleterre et prépondérant depuis Napoléon qui explose sous Napoléon III ?

Que penser d’une œuvre du plasticien contemporain Loris GréaudLe sculpteur contemporain Loris Gréaud présente dans une exposition (2013 à 2014) une statue dont il propose une réplique à l’intérieur de la Pyramide du Louvre. Statue emballée de noir - à moins qu’elle ne soit voilée ? Retour à la tradition isiaque ! L’artiste seul peut accéder à la connaissance du mystère dissimulé sous le voile. Il nous incite à réfléchir au visible, à l’invisible … à l’effort de pensée qui seul permet de savoir. exposée sous la Grande Pyramide du Louvre ?

Peut-on évoquer le symbolisme de la «noircitude» d’une déesse identifiée à la Pierre philosophale ? Enveloppée de voile, ambivalente et complémentaire : noire et lumineuse ? Soumise aux forces énergétiques du monument de verre aux multiples facettes …qui les démultiplient.

 

Paris ... fièrement appelée

"Ville Lumière" !

Eclatantes vertus

de la fée Electricité ?

Ne nous leurrons pas.

Dans Lucotecia, ainsi nommée par Strabon et Ptolémée, la racine indo-européenne Log-Lig, qui devient Lux-Lucis en latin, c'est déjà l'évocation de la lumière. Lumière confortée par la blancheur des rituels de boue de gypse effectués sur l'île Sainte par les Parisii. Et, pour aller plus loin ... leurs ancêtres celtes n'appelaient-ils pas Lug, le dieu du Soleil ? La symbolique de la lumière est omniprésente dans le passé parisien dont l'histoire est trop peu connue.

Quant à Isis, qu'on y croit ou non, elle a été, est et sera toujours là.

Parisienne à jamais...même si elle n'est pas le Mythe de la Parisienne !

C’est toute la Magie du mythe qui, sans existence réelle, a jeté l’ancre au tréfonds de l’esprit !