Les Catacombes de Paris, ou plus exactement l’Ossuaire des Catacombes de la Ville de Paris, sont le résultat des nuisances intolérables causées par une pléthore macabre accumulée dans les dizaines de cimetières, les enclos de dizaines d’abbayes, les dizaines de jardins, et en particulier au Cimetière des Innocents. Victimes d’épidémies et de famines, de froidures et grande misère, les cadavres y sont déversés par tombereaux dans d’immenses fosses «mange-chair» à ciel ouvert et dont l’apport régulier de chaux vive accélère la décomposition afin de faire place aux nouveaux venus.
Les ossements les plus anciens sont retirés et entassés sous la charpente des charniers («galetas») dont on perce les toits afin que les intempéries accélèrent la destruction des chairs. Par contre, d’autres se momifient au fond des fosses, selon leur exposition, offrant un sujet d’études à la Science du 18è siècle.
L’odeur asphyxiante de putréfaction est partout.
Lorsqu’en 1780, les liquides de décomposition - qui ont imprégné les murs des maisons alentour et causé asphyxies, maladies et décès - provoquent l’effondrement soudain d’un mur de la cave d’un restaurateur de la rue de la Lingerie, mitoyen d’une des grandes fosses, la colère est à son comble. La situation sociale veut que la presse se taise !
Ce trop célèbre cimetière a été rempli durant six siècles au cours desquels l’extraction de la pierre du sous-sol a permis de bâtir ce qui devient Paris, érigé sur 300 kilomètres de vides de carrières.
En 1785, soit cinq ans après l’ « incident », une infime partie (11.000 m2) est enfin sélectionnée pour y enfouir les ossements des six millions de parisiens dont on rejette et la vue et l’odeur. Cependant, aux Innocents - et pendant six siècles - escroqueries multiples des gueux et faux estropiés de la Cour des Miracles toute proche, petits commerces et écrivains publics, jeux galants et paillardises animent allègrement la vie sociale vécue alors comme plaisante … en ce seul lieu parisien de rencontre conviviale.
Puis, surgissent effroi, dégoût, colère, révolte et rejet …. qui conditionnent la création de l’ossuaire des catacombes de Paris.
L’excitation jubilatoire des Innocents ne manqua pas d’inspirer notre ami Brassens dans un couplet bien enlevé dont il était coutumier.
"Après une franche repue,
J’eusse aimé, toute honte bue,
Aller courir le cotillon
Sur les pas de François Villon,
Troussant la gueuse et la forçant
Au cimetière des Innocents,
Mes amours de ce siècle-ci
N'en aient aucune jalousie..."
Extrait de « Le moyennageux »
Les pages qui suivent sont extraites du second ouvrage de l’auteur, revu, augmenté et publié en 2014 : Petite et Grande Histoire des Catacombes de Paris -Presses de Valmy.