Présentation

Ici sont abordés des mythes dont il est bon, au préalable, de donner quelques précisions. A savoir qu’un mythe, au sens où il est présenté ici, appartient à un récit fabuleux qui met en scène des êtres vivants mais totalement irréels, incarnant sous forme symbolique des forces de la nature, bonnes ou mauvaises, ou des aspects de la condition humaine. Une construction de l’esprit. A différencier de l’utilisation contemporaine du même terme qui évoque une représentation idéalisée, admirée et parfois imitée sous forme de mode, d’un lieu, une idée ou une personne qui existent ou ont réellement existé.

 

 

Bonjour à l’internaute qui me rend visite.

 

Je vous invite à faire connaissance et partager mes coups de cœur

éclectiques et passionnés.

Nous allons rencontrer les Parisii puis nous tenterons de résoudre l’énigme de l’affaire Saint-Denis avant de rejoindre Saint-Marcel et le vilain Dragon. Nous rendrons visite à l’Ourcine et nous dirigerons ensuite vers l’Enfer du terrifiant Château de Vauvert de la vallée de Hautefeuille. De là nous irons tout droit chez le Géant Isoré, premier locataire solitaire de la caverne du Mons Isoris, bien avant les six millions d’hôtes silencieux des Catacombes. Nous terminerons avec notre Grande Mère parisienne qui couvre le temps long. J’ai nommé Isis.

 

Mais ce n’est qu’un début.

 

Je vous propose ensuite d’aborder la manière toute personnelle dont je vois la symbolique qui préside aux Catacombes … et qui n’engage que moi !

 

Viendra ensuite Mon ami Kafka le mal connu - pour moi le Bien aimé - car il l’était. Vous l’entendrez parler au hasard des vingt-quatre heures de sa vie que je me suis plu à écrire … Ecrire à sa manière, en empruntant des écrits de sa correspondance ou de ses entretiens. Sans guillemet, pour faciliter la lecture. Pardon l’ami Kafka ! Je voulais te restituer tel que tes amis t’ont aimé.

 

J’ai aussi choisi de vous offrir quelques extraits d’une fantasmagorie poétique au surréalisme initiatique, et parfois prémonitoire, que Le Vieil Homme et la Lune raconte au soir des cinq nuits de pleine Lune … Six contes pour adultes.

 

Si vous êtes toujours là, nous jetterons un coup d’œil aux cosmogonies nées de la belle Séléné. La Lune. Bien avant que les scientifiques n’étudient ses impacts sur la santé et la nature que notre époque se plait à retrouver et dont j'ai modestement tenté de dire l'essentiel dans Sciences et puissance de la lune.

 

Enfin, si vous en avez envie, vous pourriez découvrir quelques extraits du Guide du Paris mythique des origines, ainsi que de deux romans en quête d'éditeur : Sortilège à Tombouctou, Feu interdit

 

Pour commencer voici PARIS tout imprégné, encore de nos jours, de son lointain et mythique passé.

 

Je vous y emmène dès maintenant.

 

 

Une promenade illustrée dans l’espace et dans le temps.

 

  •  

     

    Les devins annoncent le futur,

     

    Le passé construit l’identité de l' être.

     

    Les Parisii, qui ont la chance d’avoir un territoire couvert de forêts admirables, frémissent à l’idée d’y pénétrer. Un arbre n’est-il pas un être qui vit et respire comme eux ?… Sa chevelure est d’une telle épaisseur que, dans …
    Pomponius est enchanté de l’imagination de ces Gaulois si timides et si impressionnés par la nature quand ils sont si téméraires au combat ! Ainsi, dit-il, quand un arc-en-ciel enjambe la forêt et s’incline vers le fleuve, ils y voient un serpent aux yeux flamboyants en train de se désaltérer…

    La symbiose entre Celtes et Gaulois s’effectue tout compte fait assez bien. Le Celte et le Gaulois ont un très fort sentiment d’unité de parenté. Le paradoxe veut que la Gaule, elle, n’en ait aucun, qu’il s’agisse d’unité administrative, juridique, militaire ou politique. Alors, revenons donc à l’unité vraie, la seule peut-être qui lie un Gaulois à un autre Gaulois : l’unité religieuse… Elle est dépendante du soleil, de l’eau, de la terre. Voici donc trois éléments primordiaux que l’homme déifie sous une forme naturiste ou anthropomorphique. Il se raconte la vie, la naissance, la famille, la descendance …. dont il dépend. Le druideEtymologie du terme druide : dru, chêne et wid, savoir par le chêne. Explication donnée par Pline l’Ancien. 1er siècle après J.C., venu de l’est et d’origine celtique, est le personnage essentiel à la cohésion de la communauté, à l’organisation des rituels destinés aux divinités. Il enseigne oralement ses connaissances aux enfants. Rester Maître du Savoir ! Maintenir son influence.

    Ce à quoi les Romains vont remédier !… Et la mûthos, ou parole transmise, est déjà mythe et mythologie. "

    Extrait de : Paris et ses mythes d’hier à aujourd’hui. Chap. 1

    " Des îles de Sequana, la plus grande est l’Ile aux Femmes, qu’on appelle aussi l’Ile Sainte … Longtemps on n’y pratique que des rites avant d’oser l’habiter. Les pratiquants se peignent alors de boue blanche obtenue facilement en mélangeant, sous forme de bouillie grossière, le gypse du sous-sol et l’eau du fleuve. La blancheur des participants signe toute la fonction sacralisante du lieu.

    …Sur les monticules émergés (en aval de l’Ile Sainte) habiter n’est pas concevable ; d’une part, ils sont sacrés, d’autre part, leur pourtour est marécageux. Qu’à cela ne tienne. Le sacré est une chose, l’ingéniosité en est une autre.

    On construit sur les berges, sur pilotis. Des palafittes s’élèvent et le tour est joué.

    A l’ombre du sacré, aux pieds des dieux, on vit.

     

     

     

     

    In illo tempore ... en ce temps-là ... aux environs de 4.500 ans avant notre ère, une population néolithique abandonne sur la rive droite trois pirogues retenues par des liens de cuir à des pieux en bois. L’une d’elles, exhumée lors de la construction de Bercy en 1991 est exposée au Musée Carnavalet. Le quartier en perpétue la mémoire par la Rue des pirogues".
    Précédemment dénommée BU/12, la rue des Pirogues-de-Bercy a été créée dans le cadre de l'aménagement de la ZAC de Bercy et renommée par arrêté municipal du 11 février 1993. Voie publique, d'une longueur de 350 mètres, elle est située dans le 12è arrondissement. Commence au n°112 du quai de Bercy et se termine au n°48 rue Baron-le-Roy.

    Extrait de : Guide du Paris mythique.

     

     

    Oui … aux pieds des dieux on vit … en parfaite symbiose familiale. "La Gaule parisii est une grande famille où dieux, animaux, nature et hommes respirent autour du patriarche, géniteur en quelque sorte, père du peuple, un Dis-pater gaulois dénommé Teutatès. Ce dieu-père s’associe parfois à Mars, le guerrier, pour veiller sur sa progéniture . Pour être heureux, pour être sociable, aimable, il lui faut des victimes sanglantes, des monceaux de dépouilles qu’il n’est pas très difficile de se procurer. Là, on est absolument sûr de le lui faire plaisir : Il est comme cela, Teutatès. …

    Son cousin Marti Toutati (Mars) a quelques points communs avec lui ; petits défauts de famille qui en font un associé idéal, très fiable. Il est tout destiné pour administrer la guerre. …Mercure
    Stèle de «Mercure au grand caducée» sculptée dans du calcaire et attribuée à l’époque gallo-romaine. Découverte sous l’Hôtel-Dieu en 1867. Musée Carnavalet.
    , le bien-aimé, débrouillard et ingénieux, adroit et serviable est chargé de la défense des arts et de l’inspiration créatrice, ange gardien du voyageur, conseiller lors de transactions, du troc et de l’organisation des déplacements. Mercure est si vénéré que son temple est édifié sur une colline sacrée, au nord de Lukotecia (Mons Mercoris : Montmartre).

    La famille compte un bel athlète dont elle est fière, Smertrios le barbu, l’ami du peuple qu’il protège des maléfices en écrasant la tête du serpent sous sa lourde massue. … Et puis on y rencontre aussi Tarvos Triganaros, qui, sur le pilier des Nautes, voisine avec Esus, dieu de la forêt si terrifiante. Avant que le Gaulois n’en fasse un beau gaillard, la triple puissance de ce bûcheron forestier pouvait également être représentée par le taureau à trois cornes, trois têtes, trois grues, le Tarvos triganaros ….

    Cernunnos, dont la tête humaine porte des oreilles et des bois ornés de torques, dieu de la nature par excellence Est aussi présent Taranis. Le dieu gaulois organise l’orage et règne sur le tonnerre qu’il arrête ou relance. Peut punir le parisii et jeter la foudre sur la forêt, tuer, incendier. … "

    Extrait de : Paris, ses mythes d’hier à aujourd’hui. Chap. 5

     

    Les bateliers commerçants, appelés nautes, sont parfaitement organisés en une importante corporation, notre Marché Commun avant l’heure ! Ils rendent hommage à Jupiter et au panthéon celto-gaulois en érigeant - sous le règne de Tibère en 14 après J.C. - et sur l’ile Sainte (à l’emplacement même du chœur de l’actuelle Notre-Dame) un monument imposant constitué de plusieurs blocs de pierre sur lesquels sont sculptées les divinités les plus importantes.

    La "Guerre des Gaules
    Édition de 1783. Les Commentaires sur la Guerre des gaules (Commentarii de Bello Gallico), sont un ouvrage d’histoire en sept livres ?. Jules César raconte comment vivent les Celto-gaulois qui l’étonnent bien souvent. Commentaires constitués de notes sur les opérations militaires et destinées au Sénat romain. Celui-ci surveille l’activité de tous les pro-consuls à l’étranger. Il n’y a pas de date exacte de publication. Les lettres paraissent séparément, ou font l’objet d’une publication unique juste après la défaite de Vercingétorix. La copie la plus ancienne connue est carolingienne.
    " de Jules César, le Pilier des Nautes et le
    Chaudron de Gundestrup apportent les renseignements sur les divinités que les media ne peuvent transmettre ! Le bouche à oreille toujours répand et conforte la croyance. Les ornements sont primordiaux pour tenter de leur donner un nom d’autant que chacune d’elles en porte plusieurs selon son importance dans le temps et le lieu ! Comment s’y retrouver ? Les Celtes qui précèdent, les Gaulois, les Romains qui arrivent, complexifient considérablement les interprétations mais permettent de constater que la symbolique se recoupe. Il nous faut l’accepter et reconnaître Hercule en Oghmios
    Alphabet oghamique utilisé au Moyen-Âge en tant que code secret. Analogie avec la transmission sonore du morse. Evoque le tifinagh touareg.
    et Bacchus en Mercure;! Mercure, Bacchus, Dionysos ?

    Extrait de : Paris, ses mythes d’hier à aujourd’hui. Chap. 12

     

     Bacchus, Mercure ou Dionysos ? - Suivons le Guide du Paris mythique.

     

     

    "Regardez vers le nord - la brume s’est levée – et là-bas, tout en haut du Mons Mercoris (notre Montmartre) au dessus des arbres, se découpe le fronton du temple achevé depuis peu et dédié à Mercure.

     

     

     

     

     

    En 1133, sur les ruines de ses colonnes, Louis VI le Gros fait bâtir une église destinée aux religieuses et aux laïcs du quartier - Saint-Pierre de Montmartre, l’une des plus vieilles églises parisiennes.

     

     

    N’oublions jamais qu’un lieu sacré
    Fragments d'autels gaulois trouvés dans le sol de Notre-Dame en 1711: "En 1711, tandis qu'on creusait au milieu du chœur de Notre-Dame, on découvrit un mur formé en partie de pierres couvertes de reliefs et d'inscriptions : c'étaient les débris de quatre autels gaulois (etc.)". Dessin par Adolphe Potémont, 1862-63. Autel à Cernunnos (?) avec inscriptions du Pilier des Nautes.http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84576139/f1.item
    du paganisme est toujours récupéré par l’Eglise, soucieuse de ne pas heurter les croyances précédentes."

    Extrait de : Guide du Paris mythique.

    En évoquant Dionysos, le nom de Saint Denis céphalophore surgit... en lien direct avec le rituel liturgique païen du Mont Mercure, inscrit dans la mémoire populaire.

     

    Parfaitement intégrés aux Romains,les Celto-gaulois vivent au rythme

    des nouvelles de l’étranger que propagent les

    voyageurs quand éclate soudain une étrange affaire.

     

     

    L’affaire Saint-Denis...

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    Parfaitement intégrés aux Romains,

     

    les Celto-gaulois vivent au rythme des nouvelles de l’étranger que propagent les voyageurs

     

    quand éclate soudain une étrange affaire.

     

     

    L’affaire Saint-Denis.

     

     

     

    Une rumeur se répand dans Lutèce !

     

     

    Ouvrons le Guide du Paris mythique à la page 36 :

    … " Nous sommes au 3è siècle - un clandestin (que certains confondent avec Denys l'Aréopagite)réunit discrètement des adeptes de la récente religion monothéiste pour les initier aux  idées nouvelles.

    Pas besoin de tweeter, le bouche-à-oreille suffit.

    Dans Lutèce même ? Oui, mais bien sûr pas en centre ville !

    Dans une des nombreuses carrières.

    A l’extérieur de la cité, en direction du fief des tombes romain.

     

     

    Empruntons le prolongement du cardo, l’axe nord-sud, non pas en descendant vers la Seine mais en sens inverse.

     

    Passons devant la tuilerie Abrité sous les locaux techniques de l'Institut des Jeunes Sourds, ce four est visible lors des Portes Ouvertes au 254 rue Saint-Jacques, Paris V°. et remontons la rue Saint Jacques vers l’extérieur de la ville.

    Nous marchons entre jardins et vergers.

    Après avoir traversé la rue Gay-Lussac, par la rue des Feuillantines nous atteignons la rue Pierre Nicole. Sur la droite, au n° 14 bis, existe encore une chapelle voûtée à laquelle donne accès une porte discrète au fond du parking souterrain de l’immeuble. L’escalier qui y mène est en si mauvais état que le syndic de l’immeuble en interdit l’accès depuis environ 20 ans.

    Fort heureusement, Patrick Saletta l’a photographiée à temps. "

     

     

     

     

    Le clandestin activement recherché par la police romaine utilise la carrière pour en faire son lieu de rassemblement, d’enseignement et de culte.

    L’homme s’appelle Denis. Toujours accompagné de deux acolytes, Rustique et Eleuthère.

    Les Romains de Lutèce sont très attentifs à maintenir dans la population une cohésion, établie fort habilement en éloignant gentiment les Druides dès le 1er siècle. Ils ne sont toujours pas prêts à partager le pouvoir - fût-ce avec une autre religion ! Maintenir la cohésion sociale est impératif. A cette époque, l’empereur est puissant et son réseau d’information très au point. Sa police secrète parvient sans mal à débusquer Denis et ses deux compagnons.

     

     

        

    L’homme est arrêté.

     

    Décapité sans autre forme de procès.

     

    Décapité sur l’île de la Cité en 250 … du moins est-ce ce qu’on rapporte.

     

     

     

    Et l’affaire pourrait s’arrêter là.

     

    Et bien pas du tout !!!!!

     

     

     

    Reportons nous au chapitre 18 de Paris et ses mythes d’hier à aujourd’hui 

     

    ainsi qu’aux pages  40 et 41 du Guide du Paris mythique.

     

     

    Nous découvrons la croyance du célèbre "mythe de la tête coupée" en vigueur dans l’Antiquité parisii celto-gallo-romaine où le Grand Initiateur lutte avec le futur initié qui doit lui retirer son masque pour se l’approprier. Nouvelle tête, Nouveau mana …

     

    Où luttent-ils ? Dans l’ile de la Cité ? Pas du tout … et là surgit l’énigme du saint céphalophore !

     

    Les adeptes de la nouvelle religion - imprégnés des croyances anciennes - se racontent - et ils y croient - que Denis, toujours accompagné  de ses deux compagnons, marche jusqu’à la colline du Mons Mercoris (Montmartre).

    Sa tête dans les mains …. Invraisemblable évidemment. Et pourquoi sur la colline nord ?

     

    Quand on sait que le Grand Initiateur y pratique là son rituel, cela change tout !

    Décapité, le condamné a ramassé sa tête ... celle-ci n'étant-elle pas censée être le masque de l’initiateur dont il acquiert ainsi la transcendance ?

    Il marche longuement avant de s'écrouler au niveau de l'actuelle rue Antoinette
    Sur ce plan contemporain, la Fontaine du Buc n’existe plus. Elle se situerait à l’angle de la Rue des Saules et de la rue Girardon. 18è ar.
    .

     

    Une sainte femme la lave à la fontaine du BucMontmartre en 1672 – (ou du bouc, animal sacrifié lors des rituels locaux).

     

     

    Une question se pose alors

     

    Mise à part l’affaire rituelle de récupération du mana  initiatique, l’imaginaire collectif a peut-être une raison» plus lointaine pour que ce prénommé Denis ait rejoint si naturellement le domaine où Bacchus, alias Dionysos, dieu de la vigne et du vin, jouissait jadis d’une vie fort agréable ?… Le vin apportait la petite mort de l’ivresse – suivie d’une nouvelle naissance …

    Et les vignes sont toujours là.

    Le célèbre petit vin de la Commune de Montmartre est récolté traditionnellement chaque mois de septembre …

     

     

     

    Allons encore plus loin

     

    car l’énigme n’est pas entièrement résolue !

     

     

     

    Les coreligionnaires de Denis s’appellent bien  Rustique et Eleuthère ?

    Bizarre tout de même car les deux qualificatifs attribués à Dionysos sont exactement

    rusticus et eleutheros

     

    La mémoire archaïque encore et toujours s’adapterait-elle à la réalité première ? A

    moins que ce ne soit l’inverse …

     

    Si nous devions l’oublier au 21è s. il suffirait de parcourir les rues St Rustique et St

    Eleuthère … proches de la basilique de Montmartre … pour admettre que les mythes

    ne disparaissent pas avec le temps.

     

    Ils ont la vie dure. Profitons-en.

     

     

     

     

     

    EPILOGUE

     

    Combien de personnages peuvent se vanter d’un tel exploit ?

     

     

    Au cours du siècle suivant la nouvelle religion se répand.

     

    Un animal imaginaire autant que symbolique surgit dans la ville

     

    et sensibilise l'être humain. Un dragon .

     

     

  • LE GEANT YSORE ET LE DRAGON DE LA BIEVRE 155

    « Ainsi en est-il du mythe du dragon que chassera Saint Marcel. Au début du IVè siècle, le bourg Saint-Marcel entoure l’église et son cimetière. Nous sommes à l’intersection de l’avenue des Gobelins et du boulevard Saint-Marcel. La senior ecclesia in vico parisiorum remplace le sanctuaire déjà vieux et inutilisable par les fidèles. Le mythe raconte ceci : sorti de son repaire, le dragon sème soudain la terreur dans le peuple des gobelins. Non content d’effrayer les braves travailleurs et d’encombrer les esprits, il s’avise de creuser dans le domaine sacré d’une tombe particulière du cimetière. La sépulture qu’il choisit est celle d’une dame aisée, mais somme toute peu recommandable.

    Allusion est ainsi faite au monde souterrain et maléfique tout autant qu’à la caverne initiatique. Allusion aussi au péché de péché de luxure Epigramme tiré d’un livre d’emblèmes alchimiques, Atalanta Fugiens de Michael MAIER médecin protestant allemand, mort au 17è s. En savoir plus : filostène-alchimie-ésotérisme, mais la dame elle-même n’est peut-être pas sans lien avec la tradition qui consiste à offrir au dragon de la Bièvre une femme à qui il fait subir l’initiation sexuelle. Qui peut savoir ? Devant ce sacrilège, les gobelins courent chercher l’évêque. Celui-ci se dirige bravement vers la bête, lui donne trois coups de crosse sur le crâne, lance son étole autour du cou et, la tenant par ce licou de fortune, l’entraîne hors des murs de la ville. Là, devant la foule qui l’a suivi et qui n’a cessé de grossir tout au long du parcours, il ordonne au dragon de s’enfuir à jamais.

    Ce qu’il fait. Pour éviter son retour, on ne sait jamais, les Lutéciens perpétuent le mythe par des rites annuels et c’est le mistère sacré qui commémore l’expulsion du mal. La date la plus propice, les rogationsLes Rogations sont des prières de supplication. Selon le Dictionnaire du Culte Catholique – Abbé J.E. Degorde, 1859, «en 511, le Concile d’Orléans ordonne que des processions eussent lieu dans toute la France. … … Au 8è s., on appela Rogations : Fêtes des têtes humiliées ….» Les dragons auraient-ils été humiliés par tous les saints qui les ont vaincus ? Référence inconsciente aux évènements mythiques ? «Guillaume Durand dit qu’au 13è s. on portait en procession un dragon dont la queue était longue et enflée. … Ce dragon symbolique signifiait le diable qui règne en souverain sous la loi naturelle …. mais qui a été vaincu sous la loi de grâce. … A Rouen, le dragon qu’on portait était appelé «gargouille» …., est celle retenue. Que la période qui précède l’Ascension du Christ soit choisie, sans aucun doute inconsciemment, pour évoquer l’initiation des néophytes digérés et leur accès à un état autre, tout de pureté et de lumière, n’est pas sans intérêt.

    156 PARIS, SES MYTHES D’HIER A AUJOURD’HUI

    Nous pensons là au mana ancien ; La fête consiste à pourchasser un dragon en osier et le remplir, tout au long du parcours, de friandises en forme d’enfants. Digérés par le monstre, les gâteaux sont sacralisés et censés être métamorphosés en un autre état forcément meilleur et transmissible. Ainsi les distribue-t-on aux malades. A cette époque chrétienne, et par analogie avec les souffrances du Christ, les malades sont déjà sacralisés et donc particulièrement dignes d’absorber une nourriture qui l’est aussi.

    Il faut donc attendre quatre siècles pour qu’un évêque chrétien reprenne le rôle du personnage païen qui jusqu’alors assure annuellement la fonction de libérateur. Saint Marcel devient le libérateur, assimilé au Christ. Il délivre l’homme de la mort terrestre pour l’appeler à une vie spirituelle.

    Le dragon a perdu sa vocation céleste primitive. De lien divin entre les dieux et les hommes, il est devenu un dieu déclassé, renié du panthéon ; C’est la raison pour laquelle il est redoutable. Ange déchu pour les chrétiens, il est immédiatement synonyme de Satan. En dehors de Saint Marcel, à Paris, pour ce qui nous concerne, on s’étonne que relativement peu de saints aient eu l’occasion de le combattre.

    Autre fait curieux, ceux qui le font utilisent tous une méthode persuasive d’où la lutte physique est absente. Saint Georges, du haut de son destrier, se tient à distance pour enfoncer une épée dans la gorge reptilienne. Saint Michel le foule aux pieds tout en glissant dans la gueule une lance qui ne ressort pas. Quant à Saint Marcel ? Il frappe la tête de sa crosse, passe un licou inoffensif et persuade ainsi la bête de le suivre hors les murs. Il ne le tue pas physiquement.

    Tout se passe comme si le monstre, avisé, ne se laissait terrasser que par des moyens symboliques. La gorge est à chaque fois visée, symbole de parole, souffle, nutrition, vie. La gorge est la carotide au sang rouge et pulsant qui

     

    LE GEANT YSORE ET LE DRAGON DE LA BIEVRE 157

    soudain fait surgir l’image contemporaine de DraculaLa légendaire cruauté du Comte Vlad Dracul - né Vlad Basarabi - s’est perpétrée tout au long des siècles, associée à l’idée de vampire assoiffé de sang. Son père appartient à l’Ordre du Dragon, ordre de chevalerie créé en 1408 par le roi de Hongrie pour repousser l’invasion ottomane. Dracula (en roumain, Vlad Draculea signifie fils du dragon ou du diable) se fait un farouche adversaire des ottomans. «Il ordonna que les punis soient écorchés, bouillis, décapités, rendus aveugles, étranglés, pendus, brûlés, frits, cloués, enterrés vivants etc. Il aime couper le nez de ses victimes, les oreilles, les organes génitaux et la langue.» Extrait des Archives du Journal International. Maria-Cristina Dinu. Un siècle après sa mort, les Chroniques de Valachie lui donnent le surnom de Vlad Tepes, l’Empaleur, rappelant ainsi sa méthode favorite de mise à mort. La tradition populaire veut que celui qui s’était très mal comporté dans sa vie se transforme après sa mort en terrifiant dracula. (racine drac, dragon), vampire et avatar moderne du monstre.

    L’Europe, la France se nourrissent d’alchimie ; Le dragon la représente. Ainsi, sans le savoir, sommes-nous soumis à cette imprégnation troublante dont témoigne le vocabulaire usuel. Synonymes d’élévation sont le degré, le grade. L’idée de se dresser (dres, drac) n’est pas sans rappeler les pierres levées encore appelées dracontia … Quant au sacerdos latin, nom du prêtre, il est à peine modifié et simple anagramme de drac, il est bel et bien élévation religieuse.

    D’où nous vient donc ce dragon si influent que tous les Asiatiques de notre capitale actuelle fêtent en grande pompe chaque année ? Il faut remonter jusqu’aux Mésopotamiens. Ils sont les premiers qui nous sont connus à parler du dragon comme d’un animal céleste qui règne sur le ciel boréal et protège l’étoile polaire. Ils disent qu’il établit un lien entre le ciel et la terre.

    Les Romains en gardent l’idée ; Ils choisissent de bâtir temples et villes selon un axe de rotation autour duquel tout gravite. Axe nord-sud, tel qu’à Lutèce le cardo. Or, cardo est anagramme de draco !

    Quand le christianisme s’intéresse au dragon, il n’en fait pas un animal important. Il y a déjà le serpent d’Adam et Eve … N’étant plus céleste, il n’a plus les moyens d’approcher Dieu et, s’il est sur terre, c’est que Dieu l’a déchu. Il doit donc faire preuve d’humilité. En revanche, il devient redoutable à l’image du diableAu moyen-âge l’emprise de l’Eglise fait du Diable une vérité absolue. La mythologie continue donc toujours ! Satan intervient «en personne» dans la vie quotidienne. Il harcele jour et nuit. L’Eglise utilise cette menace pour inciter à la vertu et aux dons. La peur est terrible car les gargouilles des 274 églises de Paris intra muros avaient (et ont toujours) la forme d’animaux ou de personnages terrifiants. Ils représentent le Diable. Planent au-dessus de chaque passant. Puissant ou misérable. Impossible d’y échapper. Impossible d’oublier..

    Si l’on évoque le chapitre 20 de l’Apocalypse, on comprend que le moment du Mal et de ses destructions, du déséquilibre et du chaos, est venu. Un ange est descendu maîtriser le dragon (le serpent antique) pour mille ans et,

    158 PARIS, SES MYTHES D’HIER A AUJOURD’HUI

    les mille ans révolus, il le relâchera. L’an mil est bien fondé d’être terrifié … et l’est effectivement.

    Selon la tradition vieille comme le monde et parfaitement illustrée en 4400 avant J.C., avec l’ère du Taureau que l’on retrouve en Egypte, en Inde, en Iran ou encore en Chine, selon la tradition donc, à la fin de chaque ère zodiacale, l’homme triomphe de l’animal qui la symbolise.

    Il est vraisemblable que le mythe du dragon exterminé par l’homme remonte à l’époque où le pôle quitte la constellation du Dragon pour se rapprocher de la Petite Ourse. Alors, les peurs se déplacent : naissent les mythes de l’ours, de l’homme sauvage et toute leur cohorte symbolique.

  •  

     

     

    Les acteurs mythiques ne sont pas tous éliminés par la nouvelle religion

     

    qui se superpose lentement

     

    aux croyances païennes dans l'esprit des habitants.

     

      

     

     

     

     

    L’idée de Messire Ours perdure toute entière sur la plaque de la rue aux Ours du 3è ar. ainsi que de la rue des Ursins sur l’ile de la Cité.

     

    Cependant les trois anciennes rues des Ursins ne faisaient sans doute pas directement référence à l’Ours !

     

    Sauf peut-être … à travers le nom d’un riche bourgeois dénommé Orsini et demeurant sur l’Ile de la Cité.

     

    Le glissement sémantique est parfois suggestif …

     

    L’ursidé ne faisait-il pas craquer les escaliers de guingois afin que les enfants apeurés se précipitent au lit pour dormir avant que l'Ours ne les dévore ? Croquemitaine de notre enfance, n'est-il pas une survivance de l'ours ou du géant-dévoreur dont nous allons faire connaissance ci-après ?

     

    Quant à l’Ourcine, ogresse de son état - peut-être ancêtre de la Mère l’Oie du jeu initiatique bien connu - elle officie certainement plus au sud. A chacun son territoire !

     

     

     

    Non loin de la Bièvre.

     

     

    Après qu’Isoré se soit effacé à l’arrivée du Dragon. Après ou avant (?) que le Dragon n’ait été chassé ? Deux initiateurs n'acceptent pas d'habiter trop près et en même temps.

     

    Au XIIIème siècle, sur le tertre sacré qu'elle s'est attribué est tout naturellement édifié le Couvent des CordelièresA la mort de St Louis (Louis IX), sa veuve, Marguerite de Provence, fonde un couvent abritant des Clarisses. En 1295, sa fille Blanche s’y installe jusqu’à sa mort en 1320. En témoigne l’Hostel de la Reine Blanche. La Révolution expulse les religieuses et vend le couvent comme Bien National. En 1834, ce qui reste du couvent, y compris l’église, est converti en Hôpital de Lourcine, renommé Broca. Un nouvel hôpital est construit en 1973. La Commission du Vieux Paris sauve les vestiges du dortoir gothique, visibles dans le jardin de l’hôpital. transformé en hospice de Lourcine en 1836, rebaptisé Hôpital Broca en 1893. En 1972, il est détruit, sauf un mur du réfectoire
    Vestiges du Couvent des Cordelières. L’hôpital Broca paraît au second plan.
    et remplacé par l'actuel hôpital Broca (AP/HP). Encore une fois, la mémoire collective réside à travers le transfert de sacralité des lieux ! De par leur fonction de guérison les hôpitaux se sont souvent installés sur les lieux sacrés des temps anciens.

     

     

    Sa mémoire ? On la retrouve dans la rue de Lourcine (actuellement rue Broca
    Cette rue, créée au 12ème siècle, section d'une vieille route conduisant de Paris à Gentilly, fut connue comme la rue Lourcine, rue du Clos-de-Ganay ou encore rue des Cordelières. Un arrêté du 18 avril 1890 lui donne le nom d’un médecin anatomiste et anthropologue, Paul Broca - 1824-1880.
    ) où
    est construite en 1875 une caserne … du même nom. Caserne de Lourcine. Caserne de pompiers.

    En 2014 la caserne Lourcine, un des plus anciens sites militaires parisiens, est réaménagée en internat d'excellence et résulte du Plan de reconversion des casernes en logement-étudiant, lancé en 2008.

     

    En savoir plus: Paris, ses mythes d’hier à aujourd’hui. Chap. 23

     

     

     

    Saint Marcel en son temps terrasse le Dragon de la Bièvre.

     

    Et s’il est un maître mot dans tous les esprits, c’est bien le mot

     

     

    Enfer

     

     

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    Saint Marcel en son temps terrasse le Dragon de la Bièvre.

     

    Et s’il est un maître mot dans tous les esprits, c’est bien le mot

     

     

     

    Enfer

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Une B.D. parue avant l’heure nous plonge dans l’atmosphère terrifiante de son héros diabolique … 

     

    Hortus deliciarum ? Le Jardin des Délices ! L’auteur ?Hortus Deliciarum est un manuscrit chrétien qu’Herrade de Landsberg et ses moniales ont réalisé au Couvent de Hohenbourg (Mont Saint-Odile) entre 1159 et 1175. Original détruit. La richesse et la profusion des illustrations est caractéristique de l’esprit de l’époque aussi bien dans les Vosges qu’à Paris.

     

     

    Nous savons que seul un homme de très haute valeur spirituelle est rival possible d’un être imaginaire malfaisant. Cela n’est pas sans rappeler la lutte livrée par les Chartreux au mythique Diable du Val Vert.

     

    Au cours des premiers siècles, un chemin menait de la Seine au sommet du Mons Lukotecius. Il traversait la Vallis viridis ou Vallée verte. Appelée aussi Haute Folie en raison de l’abondance du feuillage. C’est le lieu où les jeunes vierges, nommées folles (de folia – feuilles) se ressourçaient. Sainte-Geneviève y est venue avec ses deux compagnes. Le Château de Hautefeuille – vraisemblablement mythique – où Ganelon …… En savoir plus : Se reporter au chapitre 23 de Paris et ses mythes d’hier à aujourd’huLe Diable investit le château lugubre que le roi Robert, fils d’Hugues Capet, fait construire puis abandonne après son excommunication. Excommunication menant tout droit à l’enfer. Ainsi … quand Philippe Auguste fait construire les fortifications de la ville, il prend bien soin d'en exclure le maudit château ! La porte Gibard
    La Porte Gibard / Enfer se situerait à l'angle du Boulevard Saint-Michel et de la Rue Monsieur le Prince, sur l'actuelle Place Edmond Rostand.
    qui mène au sud de Paris, est immédiatement renommée Porte d’Enfer.

     

    Le chemin, qu’empruntent avec effroi femmes et enfants pour faire provision de farine chez les meuniers de la plaine du Mons Isoris, prend le nom de Chemin d’Enfer qui, étrange toponymie, devient, des siècles plus tard, Avenue Denfert-Rochereau. La Barrière d’Enfer en est la limite, à la sortie de la ville. Au 21è s. le Passage d’Enfer nous rappelle le diable et la rue Henri Barbusse également.

     

    Au 12è s., Saint Louis cède le vaste et terrifiant domaine aux moines Chartreux qui ont pour mission de chasser le Diable qui a pris possession des ruines et des ronces et y pratique moultes satanies. Sur les lieux assainis, ils fondent une abbaye dotée d’immenses terrains agricoles et de serres magnifiques ... A noter que, dans différents quartiers, plusieurs voies portent aussi le nom de Rue d’Enfer en raison d’une importante prostitution.

     

    A la Révolution, l’abbaye est détruite mais les serres conservées sont englobées dans le nouveau Jardin du Luxembourg !

     

     

    Intéressant de constater que, là aussi, l’Hôpital Saint-Vincent-de-Paul
    Créé en 1638 par St Vincent-de-Paul, l’Hospice des Enfants Trouvés accueille les enfants abandonnés qui sont déposés anonymement dans le tour d’entrée.
    (à l’origine Hospice des Enfants Trouvés) a remplacé tous les anciens bâtiments religieux. Fermé définitivement en 2010, il est affecté à l’hébergement d’urgence et à quelques start-up.

    En savoir plus : Petite et Grande histoire des Catacombes de Paris. Chapitre 21.

     

     

    Est-ce le célèbre urbaniste « inspiré », le Baron Haussmann, qui suggère de rebaptiser la voie réhabilitée - et connue comme Rue Sébastopol-Rive Gauche - du nom d’un archange aux pouvoirs protecteurs ? Protecteurs contre qui ? Tout simplement, Satan !

    Et quelle voie ? Le nouveau Boulevard Saint Michel, recouvrant la partie basse du Chemin d’Enfer entre la Seine et l’ancien Château diabolisé du Val Vert ! Le rôle du Saint Michel chrétien étant de repousser en Enfer Satan et ses embûches.

     

    L’idée d’Enfer nous conduit logiquement au sud de la capitale. Faisant fi de la chronologie, puisque la mémoire reflète le passé au présent … invitons-nous chez l’un des plus antiques initiateurs païens.

     

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    L’idée d’Enfer nous conduit logiquement au sud de la capitale.

     

    Faisant fi de la chronologie, puisque la mémoire reflète le passé au présent …

    invitons-nous chez l’un des plus antiques initiateurs païens encore à la mode !

     

    Le Géant Isoré du Montsouris !

     

     

     

     

     

    Isoré a vraisemblablement précédé Lourcine.

     

    Du moins, on le suppose car nous savons que plusieurs initiateurs n’ont pu exister en même temps.

     

     

    Ysoré – de isoar, sacré – est un Initiateur, géant de son état. Il vit depuis longtemps dans la caverne d’une colline dénommée Mons Isoris, surnommée bien plus tard, au Moyen-âge, Moque-Souris en raison des nombreux moulins à grains visités par rats et souris. C’est là qu’on vient s’approvisionner après avoir passé la Porte d’Enfer, le Chemin d’Enfer et la Barrière d’Enfer. Isoré a pour fonction de dévorer les néophytes, les faisant passer d’un état à un autre afin d’accéder à un niveau spirituel. La caverne est lieu symbolique de « renaissance ». De nos jours, une retraite, l'isolement volontaire sont notre tentative de "métamorphose" !

    Au 12è s. Isoré, mythique personnage, resurgit dans un écrit, le Moniage Guillaume.

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      Un Roi Sarrazin géant terrifie les parisiens qui ne doivent leur salut qu’à la bravoure d’un moine venu du sud pour l’affronter et le tuer. Quatre siècles plus tard, lorsqu’on déterre dans le quartier une dalle de six mètres de long, tout le monde s’écrie d’une seule voix : « c’est la tombe du Géant Isoré ! ». Isoré, initiateur-dévoreur ou Isoré, Roi Sarrazin  tué à l’emplacement du carrefour Port-Royal ? Peu importe, c’est le même. C’est aussi celui qui veille sur les enfants d’une école maternelle et, mais nous pouvons en douter, les convainc de sagesse. Souhaitons que tout le quartier de la Tombe-Issoire soit fier de son patronyme et ne le troque pas contre un quelconque calembour municipal …

      En savoir plus :

      Petite et grande histoire des Catacombes de Paris

     

     

    Mais l’histoire d’Isoré ne s’arrête pas là. En effet, qui dit Tombe dit Mort donc Enfer.

     

    Alors … ne sommes-nous pas interpellés par le choix gouvernemental d’enfouir en 1785 un ossuaire de six millions de parisiens dans une carrière ? Carrière souterraine précisément située dans les entrailles du Montsouris, vraisemblablement chez Isoré lui-même … bien qu’il y ait eu d'autres dizaines de kilomètres de galeries à disposition sous Paris ? Le sacré qui émane d’Isoré est-il donc si prégnant ?

     

     

     

     

    Est-ce aussi là l'aboutissement, l'apothéose du mythe du Diable de Vauvert associé à l'Enfer ?

    Impossible de ne pas se poser de questions troublantes ...

     

    Inconsciente toponymie si l'ancien Chemin d'Enfer se perpétue dans l'Avenue Denfert-Rochereau ?

    Inconsciente toponymie si la Barrière d'Enfer
    La Barrière d’Enfer en 2010 : les deux pavillons sont érigés par F. Ledoux en 1787 et constituent l’un des 23 octrois de douane du Mur des Fermiers Généraux.
    se transforme en Place Denfert-Rochereau ? Même si, depuis peu, on y honore le Colonel Rol-Tanguy qui a dirigé le QG de la Résistance dans l'entrée des Catacombes, sur cette même place. N'était-ce pas une lutte pour la re-naissance d'une ville  luttant contre la mort imposée par la guerre ?

    Inconsciente décision d'enfouir la plus insolite et gigantesque  nécropole populaire  à l'intérieur de la caverne "sacrée", tombe mythique où l'humain se métamorphose pour accéder à une autre vie ?

    En témoigne l'actuel Musée des Catacombes qu'il est absurde de parcourir sans rien savoir.

     

     

     

     

    Est-ce tout ? Et bien non …

     

    Au centre de la place, trône un Lion. Evocation historique certes.

     

    Un lion énorme, avatar parisien du Sphinx
    Le sphinx est un monstre fabuleux, auquel les anciens donnent ordinairement un visage de femme avec un corps de lion couché. Il devine les énigmes. Veille sur l’empire des Ténèbres. Garde les archives ! Son regard est dirigé vers le Levant. http://egyptepassion.over-blog.fr/
    égyptien veillant les
    mastabas et dont la symbolique

     

    est éclatante en ce lieu ….

     

     

     

    • Grès rose de Pérouse. 22 mètres sur 11
    • Le Lion de Cheronee
    • 7 mètres sur 4

     

     

     

     

    Beaucoup de questions sans réponses mais

     

    … non, il n’y a pas de hasard. Des co-incidences peut-être.

     

    Plus sûrement, une mémoire nourrie du symbolisme d’un mythe qui s’exprime

     

    encore et toujours de manière impérissable de génération en génération.

     

     

     

     

    Isoré peut n’être représenté que par un gros caillou. Un rondin.

     

    Et cela suffit pour l’imaginer, le personnifier. Il dévore. Digère. Transforme.

     

    Si son initiation est plutôt « rustre », celle d’Isis est tout en raffinement.

     

    Il suffit … mais il faut le vouloir … d’écarter son voile …

     

     

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    Isoré peut n’être représenté que par un gros caillou. Un rondin. C’est l’imaginaire qui le personnifie. Il dévore. Digère. Transforme.

     

    Si son initiation est plutôt «rustre»,

    celle d’Isis est tout en raffinement. Il suffit… mais il faut le vouloir … d’écarter son voile …

    Les grands mythes ne s’effacent jamais. Nous l’avons dit. Nous l’avons vu. Les plus importants, les plus anciens traversent les contrées, les civilisations, le temps. Changent de nom, c’est la difficulté qu’ils nous créent.

    Il est temps de lever le voile Jean le Maire de Belges, historiographe, fait le portrait d’Isis tel qu’il l’a vu à l’époque où règne Louis XII : «Je m’enquis d’un ancien religieux d’icelle s’il savait quelle était sa figure ; et il m’apprit […] qu’elle était comme d’une grande femme hâve, déchevelée et qui avait la moitié du corps couvert d’un rézeau par-dessus ; d’où souvente fois j’ai pris sujet de me remettre en mémoire ce qu’écrit Plutarque au Traité d’Isis et d’Osiris, qu’en la ville égyptienne de Saïs, l’image de Pallas, laquelle ils estiment être cette même déesse, avait une telle inscription l «Je suis tout ce qui ha esté, qui est et qui n’y a encore homme mortel qui m’ait découverte de mon voile». Extrait de : Paris et ses mythes d’hier à aujourd’hui – chap.11. qui occulte - ou mystifie - le personnage mythique le plus important de Paris.

    La déesse fondatrice. Isis, la Grande Mère
    Isis et son fils Horus. Isis porte sur la tête un croissant de lune (en forme de barque) sur lequel est posé le soleil. Musée du Louvre.
    portant son fils Horus. Figure universelle de la Mère dont le culte aurait été apporté par les navigateurs phéniciens et dont les noms et attributs diffèrent selon le lieu. Isis porte sur la tête des cornes de vache enserrant un disque. Cornes qui évoquent aussi être un croissant de lune portant le soleil. Ou encore une barque. Tous attributs qui la concernent.

    Isis, à l’histoire familiale rocambolesque ! Qui tient de la magie. Raison pour laquelle les druides la vénèrent dans le plus grand secret. Secret que symbolise son voile ! Il est ce qui sépare. Le porter, c’est cacher la connaissance. Le retirer, c’est la révéler. Révéler la Lumière. Accéder à l’immortalité.

     

     

     

    A l’instar de la Stella Maris contemporaine, les Nautes invoquent sa protection. Peut-être en référence à son errance fructueuse en barque sur le Nil en quête des morceaux du corps d’Osiris, son époux. Elle les retrouve tous. Reconstitue l’homme. Leur union conçoit un fils. Horus.

     

    Isis peut tout !

     

    De plus … la Seine est fougueuse. Dangereuse. Aussi les bateliers la représentent-ils sur une embarcation dont Paris exhibe toujours fièrement l’emblème. Selon les époques, elle est en proue ou non et la devise «Fluctuat nec mergitur» protège déjà du naufrage ! La symbolique veut aussi que la barque soit celle qui conduit l’initié dans le secret des temples égyptiens et dont les sociétés secrètes font bon usage.

     

     

    Les temples d’Isis ? En Egypte, ils sont appelés Per ou Par – «enclos qui entourent la maison». Ces lieux de culte seraient donc plutôt des Maisons d’Isis. Et le nom de Paris pourrait bien être tout simplement Par-Isis ! Deux temples anciens sont attestés. Cependant les noms actuels d’Issy, Issy-Plaine, Issy-les-Moulineaux témoignent peut-être d’autres lieux de culte plus éloignés que les deux principaux qui nous sont connus.

    Le premier temple identifié est sur l’ile Sainte. Sur ses vestiges est construite l’église Notre-Dame qui, au 12è s., ose représenterla déesse sous les traits d’une femme portant la thyrse
    La thyrse est un bâton entouré de feuilles de lierre et de vigne et surmonté d’une pomme de pin. Ce bâton porté par les Bacchantes était l’attribut de Bacchus. Le personnage évoquant la Vierge se superpose à Isis.
    La Vierge Marie fait bon ménage avec la mythique protectrice païenne de la vallée du Nil !
    Et de la Seine.

    Le second est isolé.

    Dans la campagne celto-gallo-romaine qu’investissent, au 6è s., l’abbaye et l’église Saint Germain-des-Prés.
    L’église de Saint-Germain-des-Prés est une ancienne abbaye bénédictine fondée au milieu du VIe siècle par le roi mérovingien Childebert Ier et l'évêque de Paris, Saint Germain. Construite sur les ruines d’un temple dédié à Isis. L'abbaye eut plusieurs noms connus sous le vocable de Saint-Vincent et de Sainte-Croix. Elle est située au cœur de Paris et du quartier latin, dans le 6è ar. Nécropole royale jusqu'à la création de la basilique Saint-Denis par Suger au début du 12è s. L'instauration de la réforme mauriste en 1630 fait de l'abbaye l’un des centres d’érudition majeur. La Révolution impose la suppression de la totalité des abbayes et celle de Saint-Germain-des-Prés s’éteint en 1792. L'église devient manufacture de salpêtre. Le culte n'y est rétabli que le 29 avril 1803.
    Au 9è s., à l’arrivée destructrice des Normands sur leurs drakkars, le moine Abbon n’écrit-il pas qu’Isis est considérée comme la première protectrice des parisiens ? Plus forte que Sainte-Geneviève morte en 522 ? Curieux que la pompeuse cérémonie qui leur est dédiée, à l’une et à l’autre, ait lieu le même jour, 3 janvier ! Superposition évidente de leur fonction protectrice ?

    Une grande statue de Madone noireIsis, magicienne, est la divinité du Salut par excellence. Toutes qualités que possèdent les Madones et Vierges noires. Et …les plus anciennes Vierges de la Chrétienté étaient toutes noires !, noire de fumées de cierges croit-on, est vénérée avec ferveur à Saint-Germain-des-Prés pendant des siècles … jusqu’à ce que, découvrant l’inconsciente «supercherie intellectuelle», un prêtre la détruise à coups de pioche.  Isis est toujours là. Elle veille du haut du  chapiteau, ci-contre, près de l'entrée de l'église.

     

    Isis n’est pas seule.

    Isis est intimement liée à sa famille. Hathor
    Hathor est la fille de Nout et de Rê. Considérée comme la mère d’Horus, au tout début de la mythologie égyptienne. Plus tard, elle est remplacée par Isis. Cour carrée du Louvre.
    , Osiris, Seth, Horus,
    Thot

    Thot - comme Mercure - est le dieu du voyage et des carrefours. Les fondations de son temple seraient aussi celles d’une église – Notre-Dame-des-Champs.

    Le temps s’écoule.

    Millénaires, siècles, décennies … mais que sont devenus, à Paris, Isis, Horus, Thot … et les autres ?

    Disparus ? Oubliés ?

    Certes pas!

    Rien ne s’arrête jamais et c’est très bien.

    Paris vit sur son passé auquel le présent s’adapte consciemment ou non.

    Adepte de l’Etre Suprême, la Révolution expose Isis
    A l’occasion de la Fête de l’Unité et de l’Indivisibilité - 10 août 1793 - la déesse Isis-Nature, symbole visible de l'Être suprême, est représentée sur une imposante «Fontaine d'Isis» spécialement édifiée sur les ruines de la Bastille pour cette cérémonie symbolique. Isis est assise sur un trône, accompagnée de deux lions, tandis que de l’eau régénératrice jaillit de ses seins. Musée Carnavalet / Roger-Viollet.
    en majesté sur les ruines de la Bastille.

    Sans qu’il soit fait précisément référence à cette déesse-mère, la «folie» égyptienne introduite par Napoléon est omniprésente dans la capitale. Tête de Sphinx de la Fontaine du Chatelet, mascarons ornant les porches, Obélisque de la Concorde … sans parler de la contemporaine Pyramide du Louvre.

    Au 21è s. de nombreuses traces sont visibles, transmises par les initiés, du 19è s. Il revient à chacun d’en décrypter les symboles ! Hélas un digicode retient les curieux de pénétrer dans la cour du n° 15, rue du Cherche-Midi
    Dans cet immeuble est né (1795) - et a vécu - Achille Chaper, ingénieur, homme politique et préfet de Paris. Le grand intérêt que Napoléon a développé pour l’Egypte n’est peut-être pas étranger à la présence insolite de ce sphinx à tête de femme suggérant Isis. Sa localisation peut y avoir attiré un culte isiaque.
    , où trône un Sphinx verdâtre à tête de femme, sans doute lié à la présence ancienne d’un culte isiaque. Des groupes - secrets ou non – essaimés dans la capitale et au-delà - s’inspirent des pouvoirs magiques d’Isis pour alimenter les rituels d’une philosophie ésotérique.

    Si l’on ne soulève pas le voile, on passe à côté de réalisations très intéressantes qui concernent la mère et son fils. Elles posent questions !

    Que penser du tracé urbaniste haussmannien dessinant la Croix ansée sur la rive droite de la Seine - entre Le Louvre, l’Opéra Garnier et les Grands Boulevards ?

    Que penser du tracé paysagiste du parc des Buttes-Chaumont imposant avec une précision insistante la tête de faucon d’Horus … y compris l'iris de son œil suggéré par un Belvédère. Belvédère, réplique du temple romain de Tivoli et dédié à Vesta, temple où la SibylleLa Sibylle communique avec le Divin et délivre ses messages à l’être humain telle une prophétesse. Elle est l’instrument direct de la révélation. Celui qui la reçoit est donc passif. A la différence d’Isis, elle transmet la connaissance sans qu’il soit nécessaire de vouloir soulever un voile pour y accéder de manière active. Un temple lui est dédié à côté de celui de Vesta à Tivoli, dans la campagne romaine. Vesta, gardienne du foyer s’apparente à Isis. prophétisait par divination … magique. Délibéré ? Inconscient ?

    Que penser du tracé paysagiste du Parc de Vincennes ? Nous constatons qu'il repoduit là aussi le Temple de la Sibylle
    Inspiré du Temple de la Sibylle (Tivoli), l’architecte paysagiste DAVIOUD (1860) en construit une réplique sur une grotte et une cascade artificielles. Ile de Reuilly sur le lac Daumesnil au Parc de Vincennes. 12è ar. Photo Wikipedia
    sur l’Ile de Reuilly au milieu du lac Daumesnil ?
    Certes l’Antiquité inspire les trois architectes initiés que sont Alphand, Belgrand et Davioud mais n’est-ce pas plutôt le courant initiatique venu d’Angleterre et prépondérant depuis Napoléon qui explose sous Napoléon III ?

    Que penser d’une œuvre du plasticien contemporain Loris GréaudLe sculpteur contemporain Loris Gréaud présente dans une exposition (2013 à 2014) une statue dont il propose une réplique à l’intérieur de la Pyramide du Louvre. Statue emballée de noir - à moins qu’elle ne soit voilée ? Retour à la tradition isiaque ! L’artiste seul peut accéder à la connaissance du mystère dissimulé sous le voile. Il nous incite à réfléchir au visible, à l’invisible … à l’effort de pensée qui seul permet de savoir. exposée sous la Grande Pyramide du Louvre ?

    Peut-on évoquer le symbolisme de la «noircitude» d’une déesse identifiée à la Pierre philosophale ? Enveloppée de voile, ambivalente et complémentaire : noire et lumineuse ? Soumise aux forces énergétiques du monument de verre aux multiples facettes …qui les démultiplient.

     

    Paris ... fièrement appelée

    "Ville Lumière" !

    Eclatantes vertus

    de la fée Electricité ?

    Ne nous leurrons pas.

    Dans Lucotecia, ainsi nommée par Strabon et Ptolémée, la racine indo-européenne Log-Lig, qui devient Lux-Lucis en latin, c'est déjà l'évocation de la lumière. Lumière confortée par la blancheur des rituels de boue de gypse effectués sur l'île Sainte par les Parisii. Et, pour aller plus loin ... leurs ancêtres celtes n'appelaient-ils pas Lug, le dieu du Soleil ? La symbolique de la lumière est omniprésente dans le passé parisien dont l'histoire est trop peu connue.

    Quant à Isis, qu'on y croit ou non, elle a été, est et sera toujours là.

    Parisienne à jamais...même si elle n'est pas le Mythe de la Parisienne !

    C’est toute la Magie du mythe qui, sans existence réelle, a jeté l’ancre au tréfonds de l’esprit !